Effet de la météo sur le Covid, ce que disent les scientifiques

shutterstock_237982663.jpg

Alors que les terrasses des bars et des restaurants ont rouvert et que les restrictions sanitaires s’allègent, une bonne nouvelle supplémentaire pourrait venir de l’arrivée de l’été et de ses températures plus chaudes.

De nombreux travaux scientifiques ont en effet montré que la plupart des épidémies et des maladies infectieuses sont caractérisées par des mouvements saisonniers – on parle de « saisonnalité » : les saisons chaudes seraient plus propices à la disparition ou la réduction des épidémies nées en saisons froides.

C’est le cas par exemple de la grippe dite « saisonnière ». Pour les chercheurs Jeffrey Shaman and Melvin Kohn, l’intensité de la grippe augmente durant les périodes froides, quand les températures et l’humidité sont à leurs niveaux les plus bas. À ce titre, le virus Covid-19 ne serait pas très différent, comme en témoigne sa dynamique selon les saisons et les hémisphères au cours des trois dernières vagues.

Vidéo de l’OMS datant de 2015 sur la grippe (WHO/Youtube).

Mais qu’en est-il des études scientifiques portant spécifiquement sur le Covid-19 ? Et peut-on vraiment compter sur un coup de pouce de l’été, conjugué à la vaccination, pour faire tomber les masques ?

L’effet de l’humidité et de la radiation solaire

Il a été démontré par plusieurs études menées en laboratoire – notamment celle de Günter Kampf et de ses collègues parue en 2020 – que la résistance des coronavirus humains auxquels appartient le SARS-CoV-2, à la fois dans l’air par le biais des gouttelettes et sur des surfaces, est significativement réduite par des conditions chaudes et humides.

Au contraire, dans des conditions plus sèches, l’eau contenue dans les gouttelettes s’évapore plus rapidement et laisse le virus stagner dans l’air, ce qui augmente sa transmission, particulièrement dans un environnement peu ventilé et confiné.

Les résultats des études menées sur d’autres coronavirus humains vont dans le sens d’une persistance réduite dans les atmosphères chaudes. En 2011, le chercheur K. H. Chan et ses collègues ont par exemple confirmé, pour le SARS-CoV-2, que la viabilité du virus s’altère rapidement à des températures et des niveaux d’humidité relative élevés.

Le froid, les conditions sèches – particulièrement dans des environnements utilisant l’air conditionné et/ou pollués – augmentent de leur côté la transmission du virus.

Des labos aux analyses statistiques

Les résultats des études menées en laboratoire se vérifient-ils statistiquement en conditions réelles ?

Pour la chercheuse Florence Tushabe, ce serait bien le cas :

« La sévérité de la maladie en termes d’infection et de décès est 6 fois plus élevée pour les pays localisés dans la région tempérée. Les infections dans les pays tropicaux ne représentent que 4 % des infections globales avec même moins de décès (2,5 %). »

Pour Simiao Chen et son équipe, comme l’indiquent leurs travaux publiés dans Scientific Reports, la proximité de l’équateur jouerait en faveur d’une réduction du nombre de cas de Covid par million d’habitants.

Il existerait selon d’autres études une fourchette de conditions météorologiques pour lesquelles le virus serait particulièrement transmissible, correspondant à des niveaux tempérés, comme cela a été évoqué pour l’Italie, au début de l’épidémie à l’hiver 2020.

Or, précisément, les pays de l’hémisphère Nord industrialisés (Europe et États-Unis) possèdent des conditions météorologiques et donc des températures qui se situent en moyenne dans cette fourchette et pour laquelle les effets météorologiques sur le virus sont faibles.

Cela a pu concourir au développement de l’épidémie au sein de ces pays, notamment lors de la première vague et plus particulièrement, dans les villes où la qualité de l’air était dégradée, comme en Lombardie et dans la région de Madrid.

Reportage à Nembro, le village de Lombardie le plus touché par le virus (C dans l’air/Youtube, juillet 2020).

La relation entre les facteurs climatiques et le Covid-19 pourrait être néanmoins plus complexe. Des relations statistiques « non linéaires » peuvent exister pour les niveaux de température et les ultra-violets notamment : des températures très négatives ou très positives réduisent la survie du virus, mais des températures modérées n’ont qu’un impact modéré ou nul.

George Luo et ses collègues sont plus sceptiques sur l’existence de relations significatives entre l’humidité et le taux de survie du virus en Chine.

D’autres études vont dans le même sens : pour l’Espagne par exemple, Álvaro Briz-Redón et Angel Serrano-Aroca ne trouvent aucun effet significatif des températures, en contrôlant – comprendre ici « en incorporant les variables » – pourtant pour la densité de population ou encore le nombre de voyageurs qui auraient pu biaiser les résultats des études précédentes.

Au-delà du rôle des températures et de l’humidité, des études plus récentes se sont penchées sur le rôle joué par les ultraviolets, la radiation solaire et la vitesse du vent.

En janvier 2021 dans la revue PNAS, Tamma Carleton et ses collègues ont montré, pour un panel de 173 pays, qu’un niveau journalier plus élevé des ultraviolets réduit le taux de croissance cumulé des cas de Covid-19 jusqu’à un horizon deux semaines et demie ; ils n’obtiennent en revanche pas d’effet significatif des niveaux de température et d’humidité.

Au final, le lien entre les conditions climatiques et le Covid-19 serait significatif, mais de faible ampleur, comme l’écrivait déjà la spécialiste Rachel Baker dans la revue Science dès l’été 2020.

Même si les températures élevées et les forts niveaux UV en été peuvent aider à réduire la circulation du virus, la sensibilité du SARS-CoV-2 aux conditions météorologiques ne serait pas assez forte pour réduire suffisamment sa circulation dans la population sans qu’il soit nécessaire de conserver des politiques de distanciation sociale.

Ainsi, le climat jouerait un rôle favorable, mais modeste, dans la lutte contre le Covid-19, comme l’ont récemment souligné Tamma Carleton et ses collègues.

Un impact qui reste marginal

C’est également ce que nous montrons dans un article qui vient tout juste de paraître dans la revue Plos One, et qui porte sur un échantillon de 37 pays industrialisés de l’OCDE observés durant la première vague de l’épidémie de Covid-19.

Nos résultats suggèrent que l’élévation des températures, des niveaux de radiation solaire et d’humidité réduit le nombre de cas et de décès dus au Covid-19 de manière certes significative, mais marginale.

Les effets ont été mesurés prioritairement à 7 jours pour le nombre de cas, ce qui correspond à la période d’incubation minimale, mais prennent également en compte les périodes de consolidation et d’hospitalisation jusqu’à 28 jours.

Dans un travail annexe – non encore évalué par les pairs –, ces résultats sont confirmés pour les taux d’hospitalisation en France, à partir de données récoltées dans une quinzaine de grandes villes pour la première vague.

Le climat pourrait ainsi expliquer en partie, bien que faiblement, pourquoi le Nord et l’Est de la France ont été davantage touchés lors de la première vague de l’épidémie.

Nous montrons également que la qualité de l’air serait un déterminant additionnel important du virus, dans la mesure où la pollution aggraverait sa prévalence dans les villes françaises couvertes par notre étude.

La question de la mobilité

Dans notre étude parue dans Plos One, et conduite rappelons-le sur un échantillon de pays de l’OCDE, nous avons été plus loin que la littérature existante, en prenant en compte la façon dont les conditions météorologiques étaient susceptibles d’affecter la transmission du Covid-19 selon les niveaux de mobilité individuels.

Nous nous sommes en effet demandé si nos déplacements (voiture, marche, etc.) étaient eux-mêmes affectés par les conditions météo et si oui, comment cela pouvait aussi avoir des conséquences sur la transmission du virus.

À partir de données couvrant la période allant de janvier à début septembre 2020, la mobilité tend à accroître la diffusion du virus : plus les individus se déplacent, se regroupent, sortent, interagissent, et plus le taux de transmission est susceptible d’augmenter, ce qui est peu surprenant.

Néanmoins, les effets ne sont visibles que trois semaines plus tard dans notre modèle. Cela signifie qu’il est nécessaire de prendre en compte les périodes d’incubation et de confirmation du virus pour bien identifier empiriquement les effets de la météo sur le Covid. La relation à très court terme n’est, en revanche, pas nette.

Or, des conditions météorologiques favorables (ensoleillement, températures) ont tendance à augmenter notre propension à sortir (terrasses, amis, supermarchés, parcs, etc.), ce qui mécaniquement augmente la circulation du virus.

Le double effet des températures

Surtout, ce que nous montrons, c’est que l’effet bénéfique des conditions météo sur le Covid-19, compte tenu de son interaction avec la mobilité des individus, est partiellement amoindri par cette mobilité accrue : une belle journée chaude et ensoleillée permet certes de mieux aérer son intérieur, et donc de réduire la persistance du virus, mais elle incite aussi à sortir davantage, que ce soit à la terrasse d’un café ou dans un parc par exemple, et d’interagir davantage avec les autres, en augmentant le nombre de contacts, ce qui réduit d’autant la distanciation sociale.

Tout ceci peut conduire à une augmentation de la circulation du virus et du nombre de cas. Ce mécanisme est encore plus prononcé si tout ou partie des interactions sociales se déroule en intérieur, dans des endroits confinés et mal ventilés – et avec de la climatisation, comme en été, ce qui contribue à augmenter la transmission du virus.

Le relâchement de la population fait craindre un rebond épidémique (C dans l’air/Youtube, mai 2021).

Nous montrons ainsi que la mobilité individuelle tend à accroître la circulation du virus lorsque les conditions météorologiques sont favorables, venant ainsi réduire l’effet bénéfique de ces dernières sur cette circulation.

Notons que l’absence de distanciation sociale et de port du masque ayant été probablement plus marquée l’an passé, les effets indirects que nous avons identifiés devraient donc être moins dramatiques en 2021.

Il convient néanmoins de rester prudent face aux effets indirects que pourrait provoquer un relâchement trop rapide des conditions sanitaires, couplé à des conditions météorologiques propices à la hausse des interactions sociales.

L’application en cours de développement par Météo France, MyPredict, devrait pouvoir alerter ses utilisateurs quand les conditions météorologiques seront favorables à la propagation du virus ; elle pourrait s’avérer une aide complémentaire utile pour la population française dans les prochains mois et les aider à prendre leurs précautions.


Clément Mathonnat, maître de conférences (BETA, Université de Lorraine) est co-auteur de cet article.

Olivier Damette, Professeur en sciences économiques, associé la chaire « Économie du climat » (Université Paris Dauphine), Université de Lorraine et Clément Mathonnat, Maître de conférences en sciences économiques, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

Lire l’article original.

Crédit image : Stefano Ember / Shutterstock.com


Articles récents >

Résumé des articles du 22 novembre 2024

outlined-grey clock icon

Les nouvelles récentes >